Nous avons tous déjà entendu parler de maltraitance. Malheureusement. Mais comment pourrait-on définir son contraire? La bientraitance, pardi! Et la bonne nouvelle, c’est que ce terme est bien plus qu’une parole en l’air. C’est une association qui oeuvre a promouvoir le concept de bientraitance… Nous avons rencontré Virginie Stevens, la responsable de Bientraitance asbl pour en savoir plus.
D’où vient le concept de bientraitance ?
Le terme Bientraitance fait écho à une volonté d’œuvrer dans notre relation à autrui de manière à faire le bien et d’assurer un accompagnement respectueux de la personne. Apparu dans les années 1980, il s’inscrit dans le domaine des sciences humaines, et fut porté au départ par les professionnels de l’enfance avant de concerner le monde de la gériatrie et plus largement le secteur psychosocial.
Quelle différence doit-on faire entre le ‘bien-être’ et la ‘bientraitance’ ?
Si le bien-être d’autrui et de soi est l’état final visé par la Bientraitance, cette dernière intègre une dimension de mise en action (c-à-d nous agissons) et s’inscrit dans une conscientisation de nos comportements (c-à-d nous sommes conscients de notre impact sur l’autre). La Bientraitance est une démarche éthique qui conditionne les actions individuelles et collectives, ainsi que les relations interpersonnelles au sein d’une organisation, dans le but donc d’assurer le bien-être des personnes accompagnées et prévenir toutes formes de maltraitance à leur encontre.
Quelles sont les actions que votre équipe et vous-même mettez en œuvre pour sensibiliser à la bientraitance ?
Le terme « sensibiliser » de cette question est bien choisi car il s’agit d’un des piliers de la mission de Bientraitance asbl. Il s’agit en effet de sensibiliser à la Bientraitance, tout comme à la prévention de la maltraitance, à travers des actions de formations dédiées. Durant ces formations, une méthodologie est notamment partagée pour que chacun apprenne à se poser les bonnes questions quant à sa pratique professionnelle quotidienne et puisse réagir adéquatement si une situation problématique venait à se produire.
Notre deuxième mission est un accompagnement et un support des organisations lorsque ces dernières sont confrontées à des problématiques de maltraitance soupçonnées ou avérées. Enfin, nous travaillons à diverses actions de communication pour que le concept de Bientraitance soit diffusé et que chacun puisse aisément trouver des pistes à suivre ou des outils à mettre en place pour revisiter sa manière de travailler.
Quelles sont, selon vous, les opportunités de déployer ce concept en entreprise ?
A l’heure actuelle, la Bientraitance concerne majoritairement les secteurs professionnels médicaux et psychosociaux en interrogeant la manière dont les patients, clients et bénéficiaires sont pris en charge. Néanmoins, nous parlons ici d’une démarche humaniste et respectueuse de la réalité de tout être humain qui pourrait s’inscrire dans l’entreprise, tant dans la manière dont celle-ci s’adresse à ses clients, que dans sa relation avec les collaborateurs qui travaillent en son sein. En tant qu’initiative collective et transversale, la Bientraitance peut devenir à la fois une fin et un moyen pour les entreprises initiant ou développant une stratégie de responsabilité sociétale. Elle s’adresse alors en priorité au pilier « société » de la RSE.
Les entreprises du Luxembourg vous semblent-elles prêtes à cette transition ?
Tout dépend de la conscience de leurs dirigeants et actionnaires. La Bientraitance requiert en effet un véritable investissement moral et stratégique de ces derniers, qui la portent dans leurs décisions et dans leurs actions.
Ma perception est que les entreprises luxembourgeoises concernées par une approche RSE (et toutes ne le sont pas) se situent aujourd’hui plus dans une dynamique de prévention, notamment des risques psychosociaux, que dans une volonté de mettre en place un nouveau paradigme comme celui de la Bientraitance.
La Bientraitance n’est pas un vernis humaniste permettant de satisfaire l’un ou l’autre acteur. Il s’agit de véritablement questionner collectivement nos savoir-faire et savoir-être en vue de porter sur le terrain des principes de respect, de tolérance, de justice et d’équilibre. Cela implique un investissement en temps et en ressources qui ne peut exister que s’il est permis et porté au niveau des décideurs. J’espère que nous arriverons un jour à cette vision humaniste de l’entreprise. Il reste cependant encore beaucoup de travail à réaliser en ce sens.